"Alors,d'un commun accord, entre deux eaux, ils glissèrent l'un vers l'autre, avec une admiration mutuelle, la femelle de requin écartant l'eau de ses nageoires, Maldoror battant l'onde avec ses bras; et retinrent leur souffle, dans une vénération profonde, chacun désireux de contempler, pour la première fois, son portrait vivant. Arrivés à trois mètres de distance, sans faire aucun effort, ils tombèrent brusquement
l'un contre l'autre, comme deux aimants, et s'embrassèrent avec dignité et reconnaissance, dans une étreinte aussi tendre que celle d'un frère ou d'une soeur. Les désirs charnels suivirent de près cette démonstration d'amitié. Deux cuisses nerveuses se collèrent étroitement à la peau visqueuse du monstre, comme deux sangsues; et, les bras et les nageoires entrelacés autour du corps de l'objet aimé
qu'ils entouraient avec amour, tandis que leurs gorges et leurs poitrines ne faisaient bientôt plus qu'une masse glauque aux exhalaisons de goëmon; au milieu de la tempête qui continuait de sévir; à la lueur des éclairs; ayant pour
lit d'hyménée la vague écumeuse, emportés par un courant sous-marin comme dans un berceau, et roulant, sur eux-mêmes,vers les profondeurs inconnues de l'abîme, ils se réunirent dans un accouplement long, chaste et hideux!... Enfin, je
venais de trouver quelqu'un qui me ressemblât!... Désormais, je n'étais plus seul dans la vie!... Elle avait les mêmes idées que moi!... J'étais en face de mon premier amour!
Les Chants de Maldoror, Chant 2 strophe XVI
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